Violence faite contre les sapeurs-pompiers: que faire ?

    Les chiffres sont clairs, le nombre d’agressions à l’égard des sapeurs-pompiers est en hausse d’année en année. Nous nous indignons à chaque parution des chiffres officiels. Cette indignation se veut démunie de réponse face à une violence croissante qui laisse derrière elle des milliers de sapeurs-pompiers blessés physiquement, moralement, repliés sur eux-mêmes dans une incompréhension qui parfois les écarte de leur vocation ou de leur profession. Alors quoi penser et que faire ?

    Une cicatrice sociale

    Je ne suis d’aucun parti et d’aucune partie, et peu m’importe les causes profondes ou superficielles qui animent les agresseurs de nos camarades. Le constat dressé aujourd’hui est celui qu’il ne s’agit plus de groupes d’individus qui sèment la panique, mais d’une frange de la population tout entière, et je veux mettre en exergue l’aspect quantitatif. Lorsque quelques centaines d’individus débutaient le maniement du pavé ou du cocktail Molotov il y a quelques années, même quelques décennies, nous constatons aujourd’hui que le sapeur-pompier se voit intervenir avec non plus ces chiffres mais des dizaines peut-être même des centaines de milliers de personnes qui n’ont plus aucun regret à insulter, bousculer, frapper ou agresser littéralement les sapeurs-pompiers. Car oui, les chiffres exposés sont les situations identifiées et suivies d’effet, mais combien d’interventions et de comportements agressifs ne sont pas signalés dans nos rangs ? Soit car “c’est bon laisse tomber, c’est rien” ou “de toute façon la justice ne va rien faire”. Voilà le constat qui est fait. Les chiffres ne sont qu’en deçà de la réalité sociale, celle du quotidien de nos sapeurs-pompiers qui tant bien que mal continuent de croire en leur mission.

    L'heure du bilan

    “Entrez dans la salle, installez vous, et surtout indignez vous. Les chiffres sont sortis. Les agressions sont en augmentation de X%, nous regrettons ces situations, nous savons compter sur un personnel valeureux ….”. Que se passe t il les 364 autres jours ? C’est là où nous touchons les limites du système. Je connais un sapeur-pompier, dont je protégerai l’identité, qui s’est fait agresser il y a quelques mois, violemment. Cela s’est déroulé une nuit. Une seule fois. Mais depuis, il s’interroge tous les jours quant à sa réaction le jour où cette situation se reproduira. Pourquoi ? Car il sait qu’elle se reproduira. Il ne sait s’il restera prostré ou s’il réagira comme il le faut, pour sa sécurité et celle de son équipage. Agira t-il en faveur de la sécurité ou de la victime ? Voilà le dilemme et son état d’esprit. Combien sont-ils dans ce cas là ?

    Quel avenir ?

    L’heure n’est plus aux agressions de bout de comptoir par abus de boisson ou réduites à un seul quartier qui s’embrasse pour une nuit durant, où quelques dizaines d’énervés tentent de vous coincer avec des barricades, des pièges ou des jets de mortiers. Nous en sommes à devoir faire face à un panel de violence des plus larges. Celui qui rassemble ce que nous appellerons “les situation dégradées d’intervention” ou SDI. Du différend conjugal aux manifestations rassemblant plusieurs de dizaines milliers de personnes avec une opération de rétablissement ou de maintien de l’ordre par les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers ne sont pas formés et entrainés pour faire face à un tel contraste. Comment se préparer mentalement ? Comment se préparer physiquement ? Comment se protéger ? Quelle tactique adopter pour cela ?

    C’est ainsi que je ne peux dresser de constat sans vous partager des propositions qui nous intéressent nous, en qualité de SIS. L’inter-service est une très bonne chose à compter du seul et unique moment où nous sommes prêts, au sein de notre corporation.

    1. Former tout sapeur-pompier aux situations dégradées d’intervention durant sa formation initiale

    Assurer une étude partagée de ces situations afin d’emmener le stagiaire à situer son action dans un contexte complexe, avec des principes de sécurité simples et clairs lui permettant de réagir rapidement.

    2. Former tout sapeur-pompier à l’approche et à la gestion, en qualité de secouriste, des pathologies psychiatriques les plus fréquentes par des professionnels de santé du milieu psychiatrique. 

    Egalement une formation par des éducateurs de jeunes difficiles pour transmettre les bonnes pratiques avec cette population dans le cadre de l’intervention.

    3. Equiper les sapeurs-pompiers de gilets “anti coups de couteaux”

    pour toutes ces situations avec port obligatoire pour des motifs identifiés tels que “personne ne répondant pas aux appels, trouble psychologique, aliéné” ou dans le cadre d’intervention de manifestations non autorisées ou en cours de rétablissement ou maintien de l’ordre.

    4. Former tous les officiers à des techniques visant la tactique opérationnelle dans le cadre des situations dégradées d’intervention.

    5. Former l’ensemble des cadres de proximité à la préparation mentale opérationnelle au bénéfice de leurs équipes.

    6. Assurer un réel suivi psychologique des sapeurs-pompiers agressés,

    et fournir les moyens de prendre en charge les sapeurs-pompiers traumatisés au travers d’un protocole d’aide aux traumatisés, pris en charge financièrement par l’employeur.

    7. Dresser un bilan annuel des chiffres 

    qui ne s’arrêtent pas au seul bilan du nombre d’agressions ou de véhicules endommagés mais bien de totalité des coûts liés aux agressions prenant en compte le matériel, le suivi des personnels et des frais de santé afin de le présenter à nos élus qui financent un service de secours 24h/24.

    Il en va donc aujourd’hui de poser des actions concrètes sur un mal qui ne va pas dans une situation qui risque d’évoluer vers des jours meilleurs. Cet article se veut vous convaincre que 364 jours d’efforts et de travail évitent de rester bouche bée devant un bilan qui ne fait qu’empirer année après année.

    Si nous savons compter sur le personnel, ils doivent pouvoir compter leur encadrement en retour.

    B.M

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