Les fuites de gaz enflammées

    Les interventions liées au gaz naturel sont particulièrement dangereuses et ont coûté la vie à de nombreux sapeurs-pompiers. Parfois complexe, il est important de ne pas les négliger, même lorsqu’elles sont enflammées.

    Le gaz naturel est un combustible très utilisé de nos jours.. Le réseau de distribution de gaz naturel s’allonge un peu plus, et aujourd’hui il existe plus de 190 000 km de conduites sur le territoire français qui s’étendent en même temps que les zones urbaines. Pour Gaz réseau Distribution France (GrDF), que beaucoup continue à appeler GDF, l’objectif sécurité est orienté vers plusieurs points. La modernisation du réseau de distribution existant, la maintenance et le dépannage du réseau, la surveillance de ce dernier et former et informer les professionnels du gaz et les entreprises de travaux publics.

    Malgré ces objectifs et les moyens mis en œuvre, chaque jour des incidents viennent émailler la vie de ce réseau de distribution. Conduite ancienne qui se met à fuir, coup de godet malheureux d’une pelleteuse lors de travaux de mise en place d’un nouveau réseau ou encore méconnaissance des réseaux anciens, les dégradations volontaires, nécessitent l’intervention des services de secours. Si la fuite de gaz non enflammée est déjà un problème en soi, la fuite de gaz enflammée, qui pourrait proportionnellement sembler moins risqué, ne doit surtout pas être négligée, au même titre que tous les autres types d’intervention. L’origine d’une fuite de gaz enflammée peut être de différents types. Un feu de poubelle, volontaire ou involontaire sur voie publique, accolée à la façade de l’immeuble ou contre le muret d’enceinte d’une habitation, et qui se propage au coffret gaz. Un véhicule, qui accidentellement, vient percuter un bâtiment au niveau du coffret de distribution. Ce peut être également lors d’un incendie ou la canalisation de distribution, sous l’effet de la chaleur, se détériore et fond au contact du flux thermique dégagé par l’incendie. La fuite de gaz enflammée peut alors se trouver à la cave, dans une cage d’escalier, ou encore dans la cuisine d’un appartement.

    La marche générale des opérations

    Pour le 1er COS, bien évidemment, la « Marche générale des Opérations » doit être respectée, et lors de sa reconnaissance, la recherche primaire des organes de coupure du gaz, à proximité de la fuite est importante, car un barrage rapide peut limiter le risque de propagation. En ce qui concerne la conduite à tenir, face à cette situation instable et très dynamique, il existe souvent plusieurs solutions, ce qui permet au premier COS d’adapter son idée de manœuvre, soit par une attaque offensive ou défensive. Mais la difficulté résidera aussi dans le fait que la fuite de gaz enflammée n’est pas toujours visible lors de la première reconnaissance. Ainsi une fuite en façade d’un pavillon, pouvant être clairement visualisée par des témoins, générera la mise en place, par exemple, d’une procédure dite de gaz renforcé (PGR, voir encadré), il n’en sera pas toujours de même pour celle qui se trouvera au dans une cuisine troisième étage.

    Fuite de gaz enflammée dans une cuisine au R+3
    Fuite de gaz enflammée dans une cuisine au R+3

    L’idée de manœuvre pour laquelle on optera dans les premiers instants, déprendra donc surtout de la localisation de la fuite, mais aussi des risques dus à sa propagation, de la localisation du robinet d’arrêt, de son accessibilité, de son état de fonctionnement, et des délais d’intervention des agents de Gaz Réseau Distribution de France, seul autorisé à barrer le gaz sur l’ensemble de leur réseau.

    Mais avant toute action et pour éviter les risques induits, il faut déjà pouvoir et savoir reconnaître, la typologie d’une flamme provenant d’une fuite de gaz. À ce titre, une parfaite maîtrise des domaines d’inflammabilités et d’explosivité est requise. Et cela ne se limite pas à la connaissance d’une plage, mais c’est également connaître les différents types de combustion. Tant que la fuite se situe en extérieur, c’est à dire riche en oxygène, elle sera bien visible et présentera des couleurs de flammes très jaunes et bien éclairantes. De plus, la fuite est souvent audible, car bien souvent elle se situe avant compteur. Le gaz provient donc alors du réseau moyenne pression. Une connaissance préalable des réseaux de distribution est importante, afin de pouvoir rapidement identifier le type d’installation auquel on a affaire, et déterminer la pression. Tous ces éléments permettent d’éviter la confusion avec une autre combustion.

    Une fuite de gaz enflammée doit être stoppée, uniquement, par la coupure en alimentation du combustible.

    Le risque le plus élevé se rencontre lors de l’attaque à l’intérieur des volumes, qui sont eux enfumés ou encore totalement embrasés. Dans ces conditions il est difficile de distinguer une flamme issue d’une de fuite de gaz de celle émanant de la pyrolyse des matériaux. Lorsque la fuite enflammée se situe après compteur, la pression est basse, le sifflement caractéristique du débit de fuite est plus difficile à percevoir. Pour un binôme en progression, sous appareil respiratoire isolant, il sera parfois laborieux d’identifier le son, tant les perturbations sensorielles sont importantes. Il n’est donc pas rare de voir des équipages bloqués dans leur progression par un flux thermique important, et ne réaliser que plus tard, que ce qui empêche la progression est en fait un tuyau de gaz arraché dans une cage d’escalier, et qui barre le passage.

    Par ailleurs, l’appauvrissement en comburant va occasionner un changement de couleur des flammes qui seront alors plus sombres et ressembleront plus aux autres flammes environnantes. Vers la source on pourra toutefois, parfois, les reconnaitre par la présence d’une flamme plus bleue. Mais cela reste difficile. Une fois la fuite de gaz enflammée reconnue, il ne faut jamais souffler la flamme. En effet, si tel est le cas, on rentrait alors immédiatement dans la problématique d’une fuite de gaz, avec tous les nouveaux risques que cela générerait. La présence de gaz, non encore enflammé, alliée à la présence de braises, jouant le rôle de l’énergie d’activation, aurait pour conséquence une explosion avec les effets dévastateurs et dramatiques que l’on connaît, en présence des soldats du feu pris au piège, au plus près du risque. Une fuite de gaz enflammée doit donc être stoppée, uniquement, par la coupure en alimentation du combustible.

    Par conséquence, tant que le gaz n’est pas barré, on doit limiter la propagation, en mettant en œuvre un moyen hydraulique dont le débit doit être parfaitement adapté à la situation. Ce, ou ces moyens, doivent permettre à la fois de protéger les parties menacées (façade, véhicule, escalier, couloir, pièce) et s’il y a lieu, permettre de lutter contre l’incendie. La difficulté pour les porte-lances résidera alors dans le fait de limiter la propagation, sans toucher à la fuite enflammée. Une reconnaissance approfondie doit donc être menée, afin de s’assurer qu’une rétention d’eau par exemple, ou autre problème, ne risque pas de venir chasser la flamme. Un contact constant entre les équipes d’attaque et le commandement sont nécessaires afin que l’évolution de la coupure des fluides soit bien relayée et en corrélation avec les actions menées. Ceci afin de toujours s’assurer que l’on ne se souffle pas la flamme, suite à une mauvaise transmission d’informations, alors que du gaz est toujours en cours d’alimentation du réseau.

    Il faut garder à l’esprit que la recherche de la vanne de barrage peut parfois prendre du temps. Il arrive par exemple, que la vanne soit inaccessible, car un véhicule est garé dessus, ou que du fait de l’âge du réseau, les agents de l’exploitant aient du mal à localiser les organes de coupure, qui parfois se trouvent sous plusieurs centimètres de bitume, suite à des travaux. Ces informations sont importantes à remonter aux binômes d’attaque afin qu’ils adaptent leur méthode en fonction du temps qui pourra être nécessaire pour passer d’une fuite de gaz enflammé à un incendie plus conventionnel, si tant est qu’il y en ait !

    Enfin, il faut garder à l’esprit, que malgré la réglementation actuelle, l’utilisation de bouteille de gaz dans les immeubles d’habitation est régulière. Par souci d’économies, de plus en plus de familles cuisinent ou assurent le chauffage avec des bouteilles de propane ou de butane, équipées de panneaux radiants, sans oublier les terrasses de restaurants  chauffées pour l’hiver (voir SFM 27 août 08).

    Pour pouvoir se préparer au mieux à ce type de risque, il est donc important de se former. Disposer d’un plateau technique permettant de récréer des situations opérationnelles tangibles et réalistes est un gage de sécurité pour les équipes de secours. Ces plateaux doivent également apporter la possibilité aux sapeurs-pompiers et aux spécialistes de réseaux de distribution de pouvoir travailler de concert et confronter leurs expériences réciproques afin d’être plus pertinent et sécuritaire en intervention. Ainsi cet outil, permettrait aux sapeurs-pompiers, tous grades confondus, lors de formation initiale ou avancement de grade, de ne pas avoir à découvrirent une fuite de gaz enflammée pour la première fois en intervention. Sans oublier que le chef d’agrès qui normalement est le plus expérimenté ne sera pas toujours au contact du feu pour diriger le binôme d’attaque, quelques fois jeune d’expérience.

    La PGR, Procédure Gaz Renforcée

    28 février 2008, vers 11h30, une violente explosion secoue le Cours Lafayette à Lyon. Suite à des travaux de terrassement, une conduite de gaz est malencontreusement percée. Alors que les secours sont sur place, une poche de gaz accumulée dans un sous-sol provoque une violente explosion, tuant un sapeur-pompier et blessant des dizaines de personnes. Face à cette catastrophe, précédées d’autres similaires, les services publics décidèrent la fin de cette année-là, la mise en place de groupes de travail, afin de pouvoir créer une procédure spécifique, mais commune aux différents services, afin de diminuer les risques de voir se renouveler ce type d’accident.

    Ainsi fin 2008, les Sdis de l’Isère, du Rhône, de l’Allier, de la Gironde, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort, ainsi que la BSPP, sont rentrés dans une phase d’expérimentation en testant et en mettant en place de nouvelles techniques d’engagement et de gestion des moyens. Un peu plus d’un an après de retour d’expériences riches, la Procédure Gaz Renforcée commence à voir le jour. Son principe est simple, diminuer les risques en anticipant et coordonnant au mieux les moyens. Dès l’appel, les services de GrDF et les pompiers utiliseront maintenant les mêmes grilles de qualification des appels.

    Si un risque grave est avéré, la Procédure Gaz Renforcée sera déclenchée, les moyens en matériels et personnels, de chaque entité seront anticipés et renforcés. Si l’opération reste simple, la procédure restera normale. Dans le cas contraire, dès l’arrivée sur les lieux, les périmètres de sécurité seront mis en place, un premier zonage de 50 m, tenue par les forces de l’ordre, concernera la zone ou l’on est directement exposé au danger. Une deuxième zone, ou pourront se tenir les moyens en soutien, de 100 mètres de rayon, sera également mise en place.

    Fuite de gaz enflammée suivie d'une explosion
    Fuite de gaz enflammée suivie d'une explosion à Bondy (93)

    La stratégie de gestion de la fuite devra être immédiatement décidés par les spécialistes des réseaux, et ce afin d’éviter la création de poche de gaz par exemple. Il sera même envisageable, en fonction des renseignements pris à l’appel, de barrer le réseau immédiatement. Définie par la note d’information opérationnelle du 8 avril 2010, cette nouvelle organisation permettra de rationaliser les délais d’intervention, mettre en place une véritable coordination opérationnelle, en initiant par exemple la mise en place de poste de commandement avancés interservices et en définissant plus clairement les rôles de chacun et enfin disposer d’une doctrine opérationnelle d’intervention sur les fuites de gaz claire. Le but étant maintenant de pouvoir prendre la décision de barrer le réseau rapidement, et ce, dès l’engagement des secours. Enfin, cette nouvelle organisation amènera enfin de véritables retours d’expérience ; qui permettront d’améliorer et de faire profiter l’ensemble des intervenants nationaux d’une véritable culture de l’expérience partagée.

    Ce qu'il faut retenir

    Fuite de gaz enflammée
    • Fuite en extérieure comme en intérieure, porte-lance sous ARI
    • Ne jamais souffler une fuite de gaz enflammée
    • Limiter la propagation avec un moyen hydraulique adapté ou avec un obstacle naturel
    • Périmètre de sécurité adapté à la configuration des lieux
    • Évacuation ou confinement des personnes
    • Barrer, si possible, rapidement l’installation gaz, et renseigner l’organe de coupure
    • Effectuer des relevés d’explosimètrie au cours et après extinction dans les locaux sinistrés et adjacents
    • Se souvenir que le gaz est distribué sous diverses pressions :
      • Basse Pression de 0 à  50 mBar ;
      • Moyenne Pression A de 50 à 400 mBar ;
      • Moyenne Pression B de 400 mBar à 4 Bar ;
      • Moyenne Pression C de 4 à 25 Bar et la Haute Pression de 25 à 80 Bar
    • Où trouver les organes de barrages :
      • Barrage général sous trottoir ou en façade BP ou MP.
      • Robinet d’arrêt, au pied de la colonne montante, au compteur, sur le palier, chez le particulier voir sur la bouteille.

    Attention les sapeurs-pompiers ne sont pas habilités à barrer le gaz dans toutes les situations, les interdictions de barrage sont, par convention, sur les organes de coupures matérialisés par des plaques métalliques d’identification rectangulaires voir rondes ou par les inscriptions « Réseau ».

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