Dès 2000, le groupe de travail « accidents thermiques » de la Direction de la Sécurité civile évoque la ventilation tactique comme technique faisant partie intégrante de la démarche opérationnelle et sécuritaire des intervenants.
Introduit en France par le Commandant Michel Persoglio du Var, ces appareils et techniques sont utilisés depuis plusieurs décennies par nos collègues anglo-saxons, mais également allemands. La ventilation forcée, appelée « Positive Pressure Ventilation », fait partie intégrante de la marche générale des opérations de lutte contre l’incendie dans ces pays. En France, à l’instar du développement de la filière incendie, certains corps départementaux de sapeurs-pompiers ont pris l’option d’introduire, dans la formation de leurs personnels aux techniques opérationnelles de lutte contre l’incendie, la possibilité d’utiliser la ventilation forcée au moyen de ventilateurs thermiques ou électriques.
Cette ventilation forcée peut se caractériser par trois possibilités d’action. Tout d’abord, la ventilation dite offensive ou d’attaque, qui consiste à créer une veine d’air dans le volume où se situe le foyer d’incendie, permettant ainsi au binôme d’attaque de travailler davantage en sécurité en faisant baisser la température et en améliorant la visibilité. Cette ventilation d’attaque peut être horizontale, verticale ou les deux. Ensuite, la ventilation dite défensive, qui permet, dans une démarche stratégique et tactique du commandant des opérations de secours, de préserver des locaux des fumées et gaz chauds d’un incendie situé dans une autre partie du bâtiment. Enfin, est c’est encore le mode d’emploi le plus courant aujourd’hui utilisé, le désenfumage de locaux enfumés lorsqu’un ventilateur est présent dans l’engin pompe, comme le préconise la norme NF-S 61-515 d’avril 2006.
Il faut bannir les idées reçues sur la ventilation
« Ce n’est pas une priorité », « on a d’autres choses à faire avant », « souffler sur le feu, c’est dangereux ! » ou encore « l’anti-ventilation démontre que cette technique est dangereuse », sont des mots que nous entendons couramment sur ce sujet, prononcés du colonel au sapeur. Cet état de fait, qui vient de la non-maîtrise de la science du développement du feu, est encore une réalité pour bon nombre de nos sapeurs-pompiers français. Combien de Sdis ne possèdent pas encore, en 2011, d’un créneau de formation avec passage au caisson d’observation des phénomènes thermiques ? Combien de gardes incendie professionnalisées réalisent des séquences de technique de lance lors de la manœuvre de la garde ? La formation incendie n’est pas une filière reconnue, à l’instar du secourisme, et le chemin à parcourir est encore long.
En ce qui concerne la ventilation par pression positive, où en sommes-nous chez les sapeurs-pompiers français ? Le niveau est très disparate. Cela va du néant à la systématisation de l’emploi sur les opérations d’incendie, comme à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris depuis septembre 2004. Dans cette unité militaire, c’est à partir des chefs de garde incendie que la décision de mettre en œuvre la VPP est prise. Ils sont formés à cet effet. Certains Sdis, comme la Charente, le Vaucluse, la Loire où encore le Val d’Oise, ont mis en place, depuis quelques années, une formation interne au département qui intervient après la formation à la maîtrise et la connaissance des phénomènes thermiques et l’ingénierie du feu. Ces départements laissent donc la possibilité pour leurs commandants des opérations de secours d’utiliser une technique supplémentaire dans la lutte contre les incendies. D’autres sont en cours de formation de leurs personnels, c’est le cas de la Haute Garonne. Mais pour la majorité, il n’y a rien, que ce soit des départements aux moyens modestes ou, et là c’est beaucoup plus inquiétant, des grands corps au secteur à forte dominante urbaine…

Utiliser l’expérience de nos homologues
Nos confrères étrangers utilisent les techniques de VPP depuis plus longtemps que nous, français, qui en sommes encore aux balbutiements.
La plupart des choses qui fonctionnent chez nos confrères sont transposables en France, tout en respectant nos procédures et règles de sécurité. Arrêtons de réinventer ce qui existe déjà et de discuter sémantique pendant des heures. Appuyons-nous par exemple sur le document appelé « Fire Service Ventilation », publié par l’IFSTA (International Fire Service Training Association), véritable GNR américain de la ventilation chez les sapeurs-pompiers, ou encore sur la littérature concernant la VPP, publiée par la NFPA (National Fire Protection Association), le NIST (National Institute of Standards an Technology), ou sur ce que le ministère de l’Intérieur anglais a fait, par exemple.
Dans le cadre de ses études sur la ventilation opérationnelle, le Sdis du Val d’Oise a pris l’option d’aller chercher le savoir au-delà des frontières de l’hexagone, chez nos collègues britanniques, dont l’expérience dans le domaine date d’une vingtaine d’années. Ainsi, début 2009, un officier est parti en voyage d’études à Newcastle suivre le cursus « Tactical Ventilation Instructors Course » du « Tyne and Wear Fire and Rescue Service ». Cette formation d’instructeur en VPP est labellisée de l’«Institution of Fire Enginneers » et dure cinq jours. Des rappels sur le développement de l’incendie et des phénomènes thermiques précèdent une présentation de différentes techniques et matériels de ventilation opérationnelle. Le tout est agrémenté de douze exercices pratiques en fumées froides dans un premier temps, puis en ambiance chaude. Une évaluation pratique et écrite vient valider les stagiaires.
Les corps français les plus avancés dans le domaine continuent de progresser. Des essais avec des ventilateurs électriques en relais des appareils thermiques, notamment pour les immeubles de quatrième famille, ont été réalisés. D’autres tests de différentes configurations spatiales de ventilateurs thermiques en série, à l’image de ce qui ce fait à l’étranger, ont été faits et permettent de gagner jusqu’à 100% de vitesse de flux.

Et demain ?
En conclusion, la ventilation par pression positive est une technique non obligatoire mais qui, lorsqu’elle est bien utilisée, apporte un plus indéniable pour la tactique opérationnelle du commandant des opérations de secours, mais aussi et surtout, un gage de sécurité et de confort pour les intervenants. Meilleure visibilité, rapidité de progression, baisse de la température ambiante et diminution du stress sont des arguments irréfutables. Comme pour toute nouvelle technique ou matériel, il faut se former et définir les règles d’emploi. La VPP nécessite une formation adaptée des utilisateurs, aussi bien en offensif qu’en défensif, et différente selon que nous nous adressons à un chef d’équipe ou à un chef de groupe.
Elle doit faire partie intégrante des outils des sapeurs-pompiers d’aujourd’hui, au même titre que les EPI textiles de dernière génération, les dispositifs d’établissement de tuyaux en écheveau, les lances à débit et jets réglables et les communications individuelles radios.
La lutte contre l’incendie, mission historique, doit devenir au 21e siècle, une démarche globale.
La lutte contre l’incendie, mission historique et de base des sapeurs-pompiers, doit devenir, au 21e siècle, une démarche globale. Ce n’est pas parce que l’on a depuis toujours lutté contre le feu qu’on le fait toujours bien et que l’on peut s’abstenir de se remettre en question et d’évoluer. C’est un devoir pour tous car ne l’oublions jamais, le danger est au-dessus de nos têtes !
Ventilation opérationnelle et BBC
Le sujet sur les incendies dans les bâtiments basse consommation, traité le mois dernier, peut amener à se poser des questions sur l’utilisation de la VPP. La recherche d’une isolation thermique performante, rendant le bâtiment plus étanche, est un facteur aggravant pour les intervenants sapeurs-pompiers en cas de sinistre. Les risques inhérents au développement d’un feu limité en ventilation en espace clos sont multipliés. La reconnaissance préalable, la lecture du bâtiment et la lecture du feu sont primordiaux. Comme il est totalement proscrit d’utiliser la VPP lorsque les signes avant coureurs d’une explosion de fumées sont présents, il en sera de même, dans les premiers instants, sur les incendies dans les bâtiments basse consommation très fumigènes. En effet, l’apport supplémentaire de comburant pourrait engendrer « backdraft », « smoke explosion », « flash fire » ou « flash over ». C’est la technique de l’anti-ventilation qui est préconisée, associée à un puissant inertage dans le volume. Une fois seulement cet inertage réalisé et l’ambiance refroidie, un exutoire pourra être créé et le ventilateur utilisé en désenfumage. Cela nécessite, une fois de plus, une parfaite connaissance de la lecture du feu, ainsi qu’une maîtrise des actions simultanées et coordonnées des intervenants. Autant dire qu’il vaut mieux s’abstenir en cas de doute !
Fabrice Jean
