Votre moitié, meilleur.e ami.e, frère, sœur, coloc est secouriste et vient de rentrer de sa dernière mission. Content.e de sa journée qui a commencé par un réveil bien trop matinal à votre goût, il/elle se lance dans un compte-rendu détaillé.
“J’étais de garde en creuf, on a pas arrêté de décaler. On a enchaîné huit inters, dont une où on a fait l’évac d’un DPS de la Protec. Il a fallu poser une ACT et ensuite mettre la victime dans un MID pour la transporter. Plus tard le VPSP est tombé en panne et a refusé de redémarrer, il a fallu appeler la Régul pour les prévenir, le CI ne savait plus où se mettre ! “
Vous n’avez pas tout saisi de cette tirade au demeurant sûrement passionnante ? Pas de panique, c’est normal ! Le jargon secouriste, à l’image de nombreuses autres formes d’expression verbale, est un dialecte un peu particulier. Par ici pour le décryptage !
L'ACT
Si vous avez regardé au moins une fois dans votre vie Pirates des Caraïbes ou si vous êtes un fan du XVIIIème siècle et de la journée Grand Siècle de Vaux-le-Vicomte, vous n’aurez aucun mal à imaginer ce qu’est un corset. Ce charmant, mais ô combien contraignant accessoire de mode, pourrait être l’ancêtre de l’ACT ou attelle cervico-thoracique. Imaginez donc un corset bien rigide qui viendrait englober votre cage thoracique, laisserait vos bras libres mais viendrait encadrer votre tête de façon à ce que vous ne puissiez plus la bouger. Le tout fixé par des sangles qui viennent maintenir l’ensemble sur votre abdomen et sous vos fesses. Un peu comme un gilet de sauvetage mais sans la partie gonflable ni l’air marin qui va généralement avec.
Matériel très pratique (si si je vous assure!), l’ACT, inventée en 1979 par Rick Kendrick, permet d’immobiliser une personne retrouvée en position assise et souffrant d’un traumatisme du rachis. Le corset va permettre de maintenir l’axe tête-cou-tronc durant l’intervention et le transport vers l’hôpital.
Le CI ou CEPS
A la Croix-Rouge, on utilise l’appellation “Chef d’Intervention“; à la Protection Civile, on lui préfère celle de “Chef d’Equipe Premiers Secours“. Quoi qu’il en soit, le mot à retenir est celui de chef.
Si certains se vantent de ce titre, c’est surtout une sacrée responsabilité que celle d’assurer la prise en charge efficace et adaptée d’une ou plusieurs victimes, la juste appréhension de son environnement, de guider et soutenir ses équipiers qui attendent de leur chef des consignes claires et un exemple à suivre. C’est un engagement dans la durée qui requiert du temps (pris sur son temps libre, bénévolat oblige) et de l’investissement car la formation est exigeante. C’est aussi une expérience humaine et managériale particulièrement enrichissante.

La Creuf

Surnom affectueux, utilisé par ses bénévoles pour désigner la Croix-Rouge. D’où vient précisément ce raccourci ? Mystère… en tout cas il est resté.
Acteur incontournable du paysage associatif français, la Croix-Rouge a été fondée par l’homme d’affaires suisse, Henry Dunant, témoin, en 1859, des ravages occasionnés par la bataille de Solférino opposant les armées françaises et autrichiennes. Le 17 février 1863, le Comité International de secours aux militaires blessés en campagne voit le jour et est d’emblée rebaptisé Comité International de la Croix-Rouge.
Aujourd’hui la Croix-Rouge ou le Croissant-Rouge sont présents dans la quasi-totalité des pays du monde. En France, la Creuf compte, en 2019, plus de 60 000 bénévoles.
Décaler
Terme phare du langage pompier et repris par les associatifs pour désigner le fait de partir en intervention. Historiquement les pompes à eau utilisées pour combattre le feu étaient installées sur des chariots tirés par des chevaux de trait. Pour prévenir tout mouvement intempestif de ces encombrants attelages dans la remise, ils étaient sécurisés au moyen de cales qui venaient bloquer les roues. Ces mêmes cales qu’il fallait retirer pour partir en intervention. D’où ce fameux “dé-caler”.
DPS
Derrière cet acronyme se trouve un dispositif prévisionnel de secours autrement dit un poste de secours. Compétition sportive le samedi matin, concert en soirée, festival sur plusieurs jours, exposition culturelle sont autant d’événements pour lesquels les organisateurs sont tenus par la législation française de prévoir un poste de secours sur place. Autrement dit des secouristes et leur matériel, plus ou moins nombreux en fonction de l’ampleur de la manifestation et des risques induits. Les règles à suivre sont reprises dans un document cadre: le référentiel national des dispositifs prévisionnels de secours (RNDPS). Schématiquement un tournoi de rugby ne mobilisera pas autant de secouristes que le Marathon de Paris mais plus qu’une fête d’école de quartier.
Ces secouristes permettent d’assurer, sur place, les gestes de premiers secours et la prise en charge de toute victime. Ils sont le premier maillon de la chaîne des secours, sur le terrain.

Etre de garde

Activité préférée du secouriste bénévole, à laquelle il.elle consacre un temps certain, principalement pendant ses week-end. Régulièrement synonyme d’un lever matinal et d’une journée bien chargée, la journée sera donc passée sur un DPS, dans un camion ou une caserne de pompiers entre attente et action de secours.
Il s’agit-là de l’éternel dilemme du secouriste: avoir envie de mettre en pratique les gestes appris mais se réjouir aussi, même si le temps paraît parfois un peu long, de ne pas voir de victime se présenter au poste de secours car cela voudra dire que les gens vont bien.
L'évac
Dans la majorité des cas, une intervention se termine par le transport de la victime vers le milieu hospitalier. On procède alors à l’évacuation de ladite victime, vers les urgences les plus proches ou un service spécialisé selon son état et/ou une éventuelle pathologie spécifique.
Plusieurs options sont disponibles, malheureusement dépendantes de l’état de gravité de la victime transportée: avec les seuls gyros (“aux bleus”) ou en mode son et lumière autrement dit avec les gyros mais également le deux tons ou sirène qui équipe les véhicules de prompt secours. On emploie alors l’expression “faire diligence” pour illustrer l’urgence inhérente à l’action de prompt secours.
Les inters
Abréviation de l’intervention, l’inter constitue le cœur de l’activité secouriste. Elle correspond en effet à la prise en charge d’une ou plusieurs victimes. Si certaines sont simples et rapides à gérer, d’autres se révèlent beaucoup plus complexes que ce soit à cause de l’environnement, d’un contexte particulier. Certaines s’avéreront, contre toutes attentes, être drôles ou très touchantes.
Si vous avez l’occasion de poser la question à un secouriste, vous pourrez constater que tous ont été marqués, à un moment ou à un autre par une inter; bien que rarement pour les mêmes raisons.

Le MID
Vous avez parfois rêvé votre couronnement en pharaon de haute et basse Egypte? Le MID ou matelas immobilisateur à dépression a un petit côté égyptien une fois que l’on est dedans. Mais pas Ramsès II sur son char partant livrer bataille aux Hittites, plutôt Toutankhamon dans son sarcophage, le masque en or et lapis-lazulis en moins (ayez pitié de nos bras, ça pèse lourd s’il faut brancarder sur huit étages!).
Pour vous représentez un MID, imaginez un matelas gonflable, dont on inverserait le principe. Au lieu de d’introduire de l’air à l’intérieur, on va au contraire l’aspirer. Parce que ce charmant matelas est rempli de billes minuscules qui en l’absence d’air vont s’agglomérer et permettre de modeler le matelas à la forme souhaitée et donc l’adapter à n’importe quelle morphologie ou déformation. Outil très pratique pour la prise en charge de victimes polytraumatisées. Une fois sanglé dans le MID et hissé sur les épaules des secouristes, vous n’avez plus qu’à fermer les yeux et imaginer les pyramides.
La Protec
Petit nom de la Protection Civile, autre association agréée de sécurité civile très présente, aux côtés de la Croix-Rouge, dans le paysage français du secourisme.
Le Service national de la protection civile, maillon de la défense passive, voit le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale alors que l’assistance aux populations civiles démunies est une préoccupation omniprésente. En 1965, sous l’impulsion du Général de Gaulle, les différentes antennes créées se fédéreront sous l’égide d’une fédération nationale.
En 1989, la Protec diversifie son activité et se lance dans la formation aux gestes de premiers secours.
Aujourd’hui, l’association compte 32 000 bénévoles et articule ses actions autour de trois missions cardinales qui sont de secourir, aider et former.
La Régul
Qui me parle ? Non, vous n’êtes pas Jeanne d’Arc, cette voix plus ou moins déformée par les ondes n’est autre que celle qui provient de la radio qui accompagne le secouriste dans toutes ses interventions. En effet, pour garantir une transmission rapide des informations essentielles, le mode de communication privilégié est la radio. Et pour éviter que tout le monde ne parle en même temps, l’utilisation de ce réseau est soumis à des règles et coordonné par une régulation (régulièrement raccourcie en régul); autrement un ou plusieurs secouristes, spécialement formés, qui vont assurer une écoute permanente et la coordination des différents moyens.
Le VPSP
Fidèle destrier du secouriste, le VPSP n’est autre que l’acronyme (le dernier de cet article, promis) consacré pour désigner un véhicule de premiers secours et d’assistance à personnes.
Son équivalent en langage pompier n’est autre que le célèbre camion rouge, de son nom complet: véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV). L’équipement du VPSP est d’ailleurs très similaire à celui de son grand-frère et il emporte à son bord tout le matériel nécessaire à la prise en charge d’une victime. Pour rappel, une équipe secouriste n’est pas une équipe médicale. Pas la peine donc de venir quémander un Dolipranne, le secouriste n’est pas autorisé à délivrer de médicaments sans un avis médical préalable !
Révélateur de l’attachement de chaque unité à son arrondissement, les noms de baptême des véhicules de la Protection Civile reflètent une implantation géographique, un pan d’histoire ou de patrimoine. Si vos pas vous amènent dans les Côtes d’Armor, vous pourrez, entre autres, y croiser “Plémet”. Si vous êtes plutôt parisien, ce seront alors “Goutte d’Or”, “Tolbiac” ou “Panthéon” que vous pourriez apercevoir.
La Croix-Rouge a elle opté pour un schéma numérique plus pragmatique: le numéro du département ou de l’arrondissement (pour Lyon, Marseille et Paris) d’appartenance suivi d’un chiffre indiquant le type du véhicule. 132 serait donc le VPSP de l’unité locale de Paris 13 quant à Orléans c’est notamment 45-1 qui est de garde.

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